mardi 26 octobre 2010

Outils en matière de gestion des coûts pour déterminer les prix de cession interne

La décentralisation peut engendrer un lourd coût pour l’entreprise lorsque ses filiales sont amenées à se vendre entre elles des biens intermédiaires sans prendre en compte totalement l’intérêt global de la firme. En effet, de part l’évaluation par le rendement, les intérêts des directeurs divisionnaires divergent (théorie de l’agence). Pour répondre à ce problème les gestionnaires de coûts disposent de plusieurs méthodes d’établissement de prix de cession interne. Parmi les plus utilisées, on note le prix marché, le prix négocié, le coût variable, le coût complet, et le prix double.  Nous nous proposons d’évaluer ces méthodes et les contextes dans lesquels elles seront les unes ou les autres plus ou moins appropriées. Cependant toutes ces méthodes semblent avoir deux facteurs déterminants en commun : la capacité et la demande. Pour simplifier l’analyse, nous nous limiterons dans un premier temps à faire varier ces facteurs sous la forme de présence ou absence seulement pour la division vendeuse en supposant que si l’acheteuse demande le bien intermédiaire c’est qu’elle dispose de la capacité et de la demande pour produire et vendre le produit final. Dans un deuxième temps nous compliquerons un peu les choses en faisant intervenir des contraintes de capacité et de demande chiffrées pour les divisions et des choix multiples de produits intermédiaires et finaux en tentant encore ici de déterminer les prix de cession optimale pour la firme, à l’aide d’un outil utile aux gestionnaires de coûts, la programmation linéaire.

1)   La méthode du prix marché modifié en absence de capacité libre.
Lorsque la division vendeuse ne dispose plus de capacité libre elle  doit renoncer aux marges réalisées avec les ventes externes pour fournir à l’interne. Dans ce cas la solution optimale pour la firme serait d’établir le prix de cession au prix marché défalqué des frais de vente (frais de transaction) qui ne seront plus encourus à l’interne.  En effet la demande du marché au prix marché représente un cout d’opportunité pour la division vendeuse et il ne serait pas rentable ni pour elle ni pour la firme de vendre en dessous de ce prix. Cependant,  on doit quand même vérifier que le prix de vente du produit final couvre le cout d’achat du produit intermédiaire au cout variable de la vendeuse et les couts variables de l’acheteuse. Si on ne rencontre pas cette condition, non seulement il est plus avantageux de vendre à l’externe mais on devrait peut être aussi penser à abandonner l’activité de l’acheteuse au profit de celle de la vendeuse.

2)   La méthode du prix négocié en présence de capacité faute de demande externe.
Ici le prix marché ne saurait convenir car l’acheteuse ne verrait pas de différence à s’approvisionner à l’externe ou à l’interne et on prendrait le risque de perdre un profit potentiel. La vendeuse à intérêt à écouler ses stocks et l’acheteuse veut  acheter en dessous du prix marché. La filiale  vendeuse peut céder le bien intermédiaire jusqu’à concurrence du coût variable. Elle peut alors vendre à l’interne tant que le revenu marginal couvre le coût marginal et l’acheteuse achètera tant que sa marge sur coût variable avant intégration du coût d’achat couvre le coût d’achat sinon elle se tournera vers les fournisseurs externes pour négocier.

Ici un prix de cession compris entre le coût variable et le prix marché serait recommandé. C’est autour de ces limites que se fera une négociation tendue, car la vendeuse tentera de facturer tous ses coûts tout en cherchant à réaliser une marge de profit. Le danger d’une telle situation est que le coût d’achat risque d’être perçu par l’acheteuse comme un coût totalement variable alors que la vendeuse aurait tenté d’y glisser des coûts fixes et profits. Dans ce cas ou l’acheteuse n’a pas une connaissance détaillée des composantes du prix elle pourrait variabiliser des coûts fixes et refuser des commandes rentables par rapport à la marge sur coûts variables réels.

3)   La méthode des couts en présence de capacité faute de demande et en absence de
fournisseurs externe
Dans ce cas, il n’y a pas de prix marché. On serait tenté ici de choisir les coûts variables ou complets comme PCI.  Choisir les coûts complets en particulier  serait dangereux car ils seraient transférés à l’acheteuse ce qui n’inciterait pas leur contrôle par la vendeuse d’une part et la démotiverai car elle ne réaliserait pas de profits. Cette méthode si très simple à employer possède de nombreuses faiblesses. Pour les atténuer, on pourrait toujours déterminer les PCI dans ce cas comme les couts standard au lieu des couts réels et majorer les couts du rendement attendu ou redéfinir la vendeuse en centre de cout évalué sur les couts destiné à fournir l’acheteuse.

4)   La méthode du prix double pour atténuer les conflits de négociation
Dans le cas ou les divisions ont du mal à s’entendre dans la négociation des PCI, une solution serait d'opter pour le prix double en autorisant le vendeur à enregistrer la vente au prix marché et en autorisant l'acheteur à enregistrer l'achat aux couts variables. Ainsi les deux divisions sont avantagées et satisfaites de leurs rendements et les transactions ont lieu à l’interne au profit global de la firme. Cependant l’inconvénient est qu’une double prime est accordée et qu’il y a de la confusion quant à qui est responsable de la gestion des couts et des difficultés de conciliation.

Pour résoudre les cas plus rapidement, on peut appliquer une formule générale indépendamment des conditions de capacité et de demande pour déterminer les limites du spectre de négociation et en déterminer la moyenne pour tenter de satisfaire les directeurs de division tout en cherchant le bénéfice de la firme au global.

Ainsi la vendeuse acceptera un prix minimum correspondant à ses coûts variables plus ses coûts d’opportunité et l’acheteuse sera prête à payer au maximum le prix marché.

Coûts variables + Coûts de renonciation < PCI < Prix marché


- Dans le cas (1) cela reviendra à : Prix marché – frais de vente < PCI < prix marché
- Dans le cas(2) cela reviendra à : Cout variables + 0 < PCI < Prix marché
- Dans le cas (3) cela reviendra à : Cout variables + 0 < PCI < N/A

Dans les cas où il y aura une variété de produit intermédiaire et que la vendeuse aura à renoncer à produire un certain produit destiné à l’externe pour satisfaire la demande interne dans un autre produit on aura : Cout variables + couts de renonciation < PCI < Prix marché, où les couts de renonciations représenteront la marge CV sur l’autre produit à laquelle ils devront renoncer.

Les aspects internationaux de la fixation des PCI
Lorsque la firme possède des filiales à l’étranger,  il peut être intéressant stratégiquement de vendre à l’interne à un prix inférieur au prix marché même si les conditions de capacité et de demande indiquent le contraire. En effet, cela permettra de réduire les frais de douane et de permettre aux acheteuses d’être concurrentielles sur les marchés étrangers. Notons tout de même que vendre à un prix élevé peut être aussi une solution stratégique pour rapatrier des fonds d’un pays ou les taux d’impôt sont forts vers un pays où ils sont faibles. Les méthodes de fixation de PCI claires sont d’autant plus importantes ici car l’agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) cherche à obtenir une part équitable des impôts et exige des pièces justificatives concrètes des méthodes de fixation des PCI.

Programmation linéaire :
Jusqu’à présent nous avons considéré que la section vendeuse approvisionnait la section acheteuse en un seul produit et que cette dernière n’avait pas de contrainte de production.
Nous nous sommes donc limités à faire varier, pour un seul produit intermédiaire,  la capacité et la demande de la section  vendeuse.
Dans la réalité, chacune des sections a des contraintes chiffrées de production, tant au niveau de la capacité que de la demande.
Le challenge est donc  d’arriver à déterminer  le prix de cession interne qui optimise les résultats de l'entreprise compte tenu des contraintes de production subies à l'échelon de chacun des centres. Ce prix de cession optimal doit, par ailleurs, concilier les objectifs de profit des centres vendeur et acheteur.

PCI = Coût marginal de la section vendeuse + résultat marginal de l’entreprise

La programmation linéaire se révèle un outil utile pour résoudre un tel problème complexe. Elle aide à déterminer :
-   les quantités optimales à produire
-   le résultat marginal correspondant à une variation unitaire des quantités produites.

Remarque: Une réduction d'une unité de la quantité produite entraîne un manque à gagner pour l'entreprise (ou cout d'opportunité) égal à ce résultat marginal

Exemple de détermination du PCI :
Produits Collyer inc. A une section « Robinet » qui fabrique et vend un modèle de robinet standard. Voici quelques données à ce sujet.
Capacité de production en unités……………………100’000
Prix de vente aux clients extérieurs sur le
marché intermédiaire…………………………………….…30
Coûts variables par unité…………………………………...16
Coût fixes par unité (d’après la capacité
De production)……………………………………………….9

L’entreprise a aussi une section « Pompe » qui pourrait utiliser ce robinet dans la fabrication de l’un de ces produits. Cette section achète actuellement 10'000 robinets par an d’un fournisseur étranger au coût de 29$ le robinet.

Travail à faire :
1.    Supposer que la section « Robinet » ait une capacité de production inutilisée suffisante pour répondre à tous les besoins de la section « Pompe ». Quelle fourchette de prix de cession interne, le cas échéant, serait acceptable pour les deux sections ?
2.    Supposez que la section « Robinet » vendre tout ce qu’elle peut fabriquer à des clients extérieurs sur le marché intermédiaire. Quelle fourchette de prix de cession interne, le cas échéant, serait acceptable pour les deux sections ?
3.    Supposez encore une fois que la section « Robinet » vende tout ce qu’elle peut fabriquer à des clients extérieurs sur le marché intermédiaire. Supposez aussi qu’il serait possible d’éliminer les coûts variables de 3$ dans les cessions à l’intérieur de l’entreprise, grâce à une réduction des frais de vente. Quelle fourchette de prix de cession interne, le cas échéant, serait acceptable pour les deux sections ?

Solutions :
1.    Comme la section « Robinet » compte sur une certaine capacité de production inutilisée, elle n’a pas à renoncer à ses ventes extérieures pour répondre à la demande de la section « Pompe ». Si l’on applique la formule du plus bas prix de cession interne acceptable du point de vue de la section qui vend, on obtient ce qui suit.
      Marge totale sur coûts
                                                                                  variables des ventes perdues
Prix de cession    Coût variable par unité + --------------------------------------------------
                                                                                  Nombre d’unités cédées
                                                                    0
     Prix de cession interne    16$ + ------------------- = 16 $
                                                                10’000
La section « Pompe » refuserait de payer plus de 29$, montant qu’elle verse déjà à un fournisseur extérieur pour chaque robinet. Par conséquent, le prix de cession interne doit se situer entre les deux résultats suivants :

                                          16$ ≤ Prix de cession interne ≤ 29$

2.    Comme la section « Robinet » vend tout ce qu’elle peut fabriquer sur le marché intermédiaire, elle devrait renoncer à une partie de ces ventes extérieures pour exécuter les commandes de la section « pompe ». Dans ce contexte, son coût de renonciation correspondrait à la marge totale sur coûts variables relative aux ventes perdues.
     Marge totale sur coûts
                                                                                  variables des ventes perdues
Prix de cession    Coût variable par unité + --------------------------------------------------
                                                                                  Nombre d’unités cédées

                                                             (30$ - 16$) * 10’000
     Prix de cession interne    16$ + ------------------------------- = 16 $ + 14$ = 30$
                                                                      10’000

Comme la section « Pompe » peut acheter les robinets d’un fournisseur extérieur à seulement 29$ l’unité, il n’y aura aucun produit cédé entre les deux sections.

3.    Lorsqu’on applique la formule du prix de cession le plus bas qui soit acceptable du point de vue de la section vendeuse, on obtient ce qui suit.
Marge totale sur coûts
                                                                              Variables des ventes perdues
Prix de cession    Coût variable par unité + --------------------------------------------------
                                                                                  Nombre d’unités cédées

                                                                  (30$ - 16$) * 10’000
     Prix de cession interne    (16$ - 3$) ------------------------------- = 13$ + 14$ = 27$
                                                                        10’000

Dans ce cas, le prix de cession interne doit se situer dans la fourchette suivante.
                  
                                          27$ ≤ Prix de cession interne ≤ 29$

Prix de cession - exemple lié à la fiscalité
Les prix de cession interne ont souvent des implications fiscales quand les prestations concernent des établissements situés dans des pays différents.

Exemple: Le centre de responsabilité "Production" fabrique un composant électronique indispensable à un ordinateur de bord de bateau. Il cède l'intégralité de sa fabrication à un centre de "commercialisation" qui vend ce composant à des clients externes au prix de 12$ l'unité.
Le cout de production unitaire pour 10'000 composants s'élève à 10$ l'unité soit:
- charges variables................6$
- charges fixes........................            4$
En imaginant que le centre « Production » est une filiale située dans le pays A où le taux de l'impôt sur les bénéfices est 40 % et que la filiale "commercialisation" est située dans le pays B où le taux de l'impôt est 15 %.

Hypothèse 1 : le prix de transfert est fixé à 10$.

Eléments
Résultat de filiale production
Résultat de la filiale de commercialisation
Résultat du groupe
Prix de vente externe

      120'000
      120'000
Prix de cession interne
              100'000


Achats internes

    100'000

Autres charges variables
                  60'000

        60'000
Charge fixes
                  40'000

        40'000
Résultats avant impôt
                        -  
        20'000
        20'000
Impôts sur les bénéfices
                        -  
          3'000
          3'000
Résultats net
                        -  
        17'000
        17'000


Hypothèse 2 : le prix de transfert est fixé à 12$.
Eléments
Résultat de filiale production
Résultat de la filiale de commercialisation
Résultat du groupe
Prix de vente externe

      120'000
      120'000
Prix de cession interne
              120'000


Achats internes

    120'000

Autres charges variables
                  60'000

        60'000
Charge fixes
                  40'000

        40'000
Résultats avant impot
                  20'000
              -  
        20'000
Impots sur les bénéfices
                    8'000
              -  
          8'000
Résultats net
                  12'000
              -  
        12'000


Le prix de transfert a ici une incidence sur le résultat global. Le groupe a intérêt à localiser ses profits dans le pays où la fiscalité est la plus faible.
L'existence d'un prix de marché de 12$ donnerait des arguments à l'administration fiscale  du pays A pour contraindre la filiale de production à effectuer ses cessions au prix du  marché. La société pourrait cependant obtenir que le prix de cession doit être inférieur au prix du marché car la filiale de production ne supporte pas de charges de distribution quand elle cède ses produits à la filiale de commercialisation.

Exemple de programmation linéaire pour déterminer le PCI :
Un centre de profit A fabrique deux produits intermédiaires: le produit P1 et le produit P2. Ils sont cédés au centre de profit B qui les utilise dans la composition des produits finis X1 et X2. Une partie de la production des produits P2 peut être également vendue à des clients externes.
L'objectif de l'entreprise est de maximiser sa marge sur coût variable. La direction générale doit déterminer, compte tenu des contraintes de production, les quantités à produire et les prix de cession correspondant qui permettent d'atteindre cet objectif.

·      Les données :
Centre A
Produit P1
Produit P2
cout variable unitaire
$30
$40
Prix de marché
Marché inexistant
$60
Capacité de production maximale
9'000 unités
10000 unités
Centre B
Produit X1
Produit X2
Prix de marché
$400
$380
Standards techniques
1 produit P1
3 produits P1

4 produits P2
2 produits P2
Autres couts variables
$60
$10



·      Recherche de l'optimum global de l'entreprise:

Ø  Calcul de la marge unitaire sur coût variable des produits vendus à l'extérieur.

P2
X1
X2
Prix de vente
60
400
380
- Coût variable P1

-30
-90
- Coût variable P2
40
-160
-80
- Autres coûts variable

-60
-10
Marge sur coût variable de l'entreprise
20
150
200


Désignons respectivement par p2, x1 et x2 les quantités des produits P2, X1 et X2 vendues à l'extérieur.
Les variables d'écart e1 et e2 représentent les quantités respectives des produits intermédiaires P1 et P2 que l'on renoncerait à produire si l'on ne saturait pas les capacités de production.

Ø  Programme linéaire
Le programme de maximisation de la marge sur coût variable de l'entreprise est le suivant.

Forme canonique:                                              Forme Standard :
p2, x1, x2  ≥ 0                                                    p2, x1, x2, e1, e2 ≥ 0

x1 + 3x2    9'000                                              x1 + 3x2 + e1  =  9'000

p2 + 4x1 + 2x2    10'000                                   p2 + 4x1 + 2x2 + e2  =  10'000


Max Z = 20 p2 + 150 x1 + 200 x2                               Max Z = 20 p2 + 150 x1 + 200 x2 + 0 e1 + 0 e2


Ø  Résolution par la méthode du simplexe
1er tableau


P2
X1
X2
E1
E2
2e membre
Rapports
E1
0
1
3
1
0
         9'000
   3'000
E2
1
4
2
0
1
         10'000
    5'000
ΔZ
20
150
200
0
0
0



2e tableau


P2
X1
X2
E1
E2
2e membre
Rapports
X2
0
0.33
1
0.333
0
          3'000
       9'000
E2
1
3.33
0
-0.67
1
         4'000
      1'200
ΔZ
20
83.3
0
-66.7
0
       -60'000


3e et dernier tableau


P2
X1
X2
E1
E2
2e membre
X2
-0.1
0
1
0.4
-0.1
          2'600
X1
0.3
1
0
-0.2
0.3
          1'200
ΔZ
-5
0
0
-50
-25
     -700'000


Le programme optimal consiste à produire 1'200 X1 et 2'600 X2 et à ne pas vendre P2 à l'extérieur.
Les cessions du centre A au centre B en vue d'assurer cette production de X1 et X2 s'élèvent à :
  - produit P1 (1'200 + 3 x 2'600) ........................ 9'000 unités
  - produit P2 (4 x 1'200 + 2 x 2'600) ................ 10'000 unités
Les coefficients de la ligne ΔZ montrent les marges unitaires qui seraient perdues si une autre solution était choisie:
-la vente à l'extérieur d'une unité de P2 ferait perdre 5 $ ;
- la renonciation à produire une unité de P1 ou une unité de P2 ferait perdre respectivement 50 $ ou 25 $. Ces derniers montants constituent le résultat marginal sur une unité de P1 et de P2 qu'il faut ajouter aux coûts variables pour obtenir les prix de cession interne de ces deux produits.

Ø  Montant des prix de cession interne


P1
P2
Coût variable
30
40
+ Résultat marginal de l'entreprise
50
25
Prix de cession interne
80
65


·      Recherche de l'optimum local du centre A
Vérifions, qu'avec ces prix de cession, le programme de production est également optimal
au niveau du centre vendeur.

Ø  Calcul de la marge unitaire sur coût variable des produits cédés par le centre A


P1
P2 cédé à B
P2 vendu
Prix de cession
80
65
60
- Coûts variables
-30
-40
-40
Marge sur coût variable de A
50
25
20



Ø  Programme linéaire
          Désignons par    pl…….................la quantité de P1cédée à B
                                   p2.........................la quantité de P2 cédée à B
                                   p3.........................la quantité de P2 vendue à l'extérieur.
Les variables d'écart el et e2 représentent les quantités respectives des produits intermédiaires          P1 et P2 que l'on renoncerait à produire.
Le programme de maximisation de la marge sur coût variable du centre A est le suivant.


Forme canonique:                                  Forme Standard :
p1, p2, p3  ≥ 0                                            p1, p2, p3, e1, e2  ≥ 0

p1    9'000                                               p1 + e1  =  9'000

p2 + p3    10'000                                     p2 + p3 + e2  =  10'000


Max Z = 50 p1 + 25 p2 + 20 p3                         Max Z = 50 p1 + 25 p2 + 20 p3 + 0 e1 + 0 e2


Ø  Résolution par la méthode du simplexe
1er tableau


P1
P2
P3
E1
E2
2e membre
Rapports
E1
1
0
0
1
0
         9'000
   9'000
E2
0
1
1
0
1
         10'000
   
ΔZ
50
25
20
0
0
0



2e tableau


P1
P2
P3
E1
E2
2e membre
Rapports
P1
1
0
0
1
0
          9'000
      
E2
0
1
1
0
1
         10'000
      10'000
ΔZ
0
25
20
-50
0
       -450'000



3e et dernier tableau


P1
P2
P3
E1
E2
2e membre
P1
1
0
0
1
0
          9'000
P2
0
1
1
0
1
          10'000
ΔZ
0
0
-5
-50
-25
     -700'000


Le programme optimal pour le centre A consiste à produire 9'000 P1 et 10'000 P2 (qui seront tous cédés à B). Il est identique au programme optimal pour l'entreprise que nous avions déterminé précédemment.
Les coefficients de la ligne ΔZ montrent les marges unitaires qui seraient perdues si une autre solution était choisie:
-la vente à l'extérieur d'une unité de P2 ferait perdre 5 $
-la renonciation à céder une unité de P1 ou une unité de P2 ferait perdre respectivement 50$ ou 25$.

·      Intervalle de validité de l'optimum local
Il existe probablement un intervalle pour les prix de cession interne dans lequel le programme optimal de production du centre vendeur reste stable et identique au programme optimal de l'entreprise.

Déterminons cet intervalle en substituant les coefficients paramétrés c1 = 50 + ƛ et c2 = 25 + µ aux coefficients économiques (marges unitaires) initiaux de pl et p2 (c1 = 50 et c2 = 25). Examinons les modifications du dernier tableau qui résultent de ces substitutions en calculant les coefficients de la dernière ligne ΔZ en fonction de ƛ et µ (voir ci-dessous).

D'une manière générale, dans tous les tableaux les coefficients de la ligne ΔZ sont Δj =cj - ∑ aij ci

En effet, quand la variable xj augmente d'une unité, Z augmente de cj. Mais dans le même temps, les autres variables diminuent de aij unités ce qui réduit Z de aij ci

Cj

P1
P2
P3
E1
E2
2e membre
50 + ƛ
P1
1
0
0
1
0
                                          9'000
25 + µ
P2
0
1
1
0
1
                                         10'000

ΔZ
   50 + ƛ
   25 + µ
20 - (25 + µ)
0 - (50 + ƛ)
0 - (25 + µ)
0


-(50 + ƛ) =
-(25 + µ) =
=  -5 - µ
= -50 - ƛ
=   -25 - µ
-9'000 (50 + ƛ) - 10'000 (25 + µ) =


0
0



-700'000-9'000ƛ-10'000µ


Le dernier tableau représente une solution optimale tant que tous les coefficients de la ligne ΔZ sont négatifs ou nuls. Vérifions quelles sont les valeurs de ƛ et µ pour lesquelles cette condition est satisfaite.

(col. P3) Δ3 > 0 si µ < -5;  (col. E1) Δ4 > 0 si ƛ < -50;  (col. E2) Δ5 > 0 si µ < -25

Par conséquent, l'optimum n'est modifié que si ƛ < - 50 ou si µ < - 5, c'est-à-dire si le coefficient économique de P1 est inférieur à 50 - 50 = 0 et si le coefficient économique de P2 est inférieur à 25 - 5 = 20.

Au contraire, le programme optimal du centre A est stable quand le résultat marginal unitaire sur P1 est ≥ 0 et quand le résultat marginal unitaire sur P2 est ≥ 20.

Ø  Montant optimal des prix de cession interne


P1
P2

Min
Max
Min
Max
Coût variable
30
30
40
40
+ Résultat marginal
0
50
20
25
Prix de cession interne
30
80
60
65


Les prix de cession interne qui assurent l'optimum simultanément pour l'entreprise et pour le centre A sont compris entre 30$ et 80$ pour P1 et entre 60$ et 65$ pour P2

Notions de stratégies dans la définition du prix de cession interne
Le choix d'une méthode de détermination des prix de cession est complexe et il est fonction de plusieurs paramètres. Le choix d'un prix de cession résulte plus particulièrement de l'adéquation entre la stratégie et la structure propres à chaque entreprise.
A titre informationnel, il est intéressant de mentionner que dans la littérature il existe un modèle, appelé le modèle de Robert Eccles qui établit un lien entre deux dimensions stratégiques (la diversification et l'intégration verticale) et les caractéristiques organisationnelles de l'entreprise représentées par :
- la nature de la stratégie et le processus de planification,
- les principaux moyens de contrôle de la direction générale,
- les critères d'évaluation des performances et leurs effets en matière de récompenses-
   sanctions,
- la centralisation de la prise de décision.
Il en déduit quatre organisations types auxquelles il associe un mode de prix de cession.

Schéma décisionnel du Gestionnaire par R. Eccles

•Le type collectif ne se prête pas aux cessions internes dans la mesure où :
- l'intégration verticale est faible c'est-à-dire qu'il y a très peu d'interdépendance technique ou commerciale entre les centres de responsabilité ;
- le degré de diversification est faible (cas des entreprises mono-produits).

•Le type concurrentiel correspond aux organisations très diversifiées mais faiblement intégrées verticalement (cas des conglomérats ou des sociétés holding).
La stratégie de ce type d'organisations est définie au niveau de chaque centre de responsabilité. La logique du groupe est une logique financière où le contrôle de la direction générale est opéré au travers des résultats. La mesure des performances repose sur la comparaison des résultats aux objectifs. La prise de décision est décentralisée et l'approvisionnement est libre. Le prix de cession le plus adapté est alors le prix du marché.

•Le type coopératif correspond aux organisations fortement intégrées mais faiblement diversifiées (cas des groupes sidérurgiques ou agro-alimentaires). La stratégie de l'entreprise est formulée pour le groupe dans son ensemble. La logique du groupe est industrielle et elle privilégie l'approvisionnement interne dans l'intention de rentabiliser de lourds investissements. Le contrôle de la direction est très hiérarchique et il définit les actions des établissements ou des centres de responsabilité. La mesure de la performance est établie par comparaison des résultats aux budgets. Les décisions susceptibles d'affecter le résultat du groupe sont centralisées. Le mode de fixation des prix de cession repose sur les coûts (de préférence, le coût complet standard majoré d'une marge calculée en fonction du taux de rentabilité exigé des investissements). En effet, les prix de cession contribuent à renforcer la coopération en rendant les centres clients solidaires des décisions d'investissement prises par les centres fournisseurs.

•Le type participatif correspond aux organisations fortement intégrées verticalement et diversifiées. Elles combinent les caractéristiques des organisations concurrentielles et des organisations coopératives. En matière de cession, la priorité est accordée à l'approvisionnement interne (caractéristique de l'intégration) mais le prix de cession est fixé sur la base du prix du marché.


Conclusion

L’outil proposé aide les gestionnaires à déterminer les PCI en tenant compte des facteurs de capacité et de marché. Cependant, la réalité est complexe et fait intervenir de nombreux facteurs stratégiques. De plus dans le cas des prix négociés, de nombreux biais interviennent de par la nature de la négociation. Jeux d'influence, pressions et qualité de négociateur peuvent mettre en péril l'intérêt général du groupe.

Il faudrait dès lors continuer à développer des modèles plus poussés capable de prendre également en compte l’aspect plus subjectif de la gestion stratégique et des biais dans la prise de décision.
Il faut, de plus, associé les modèles à des systèmes d'évaluation du rendement des divisions qui soient capables de capter l'effort des gestionnaires et des structures organisationnelles.

Sources :


Bergeron Roy, Fondements de la comptabilité de management, p673 - 683

Foucher, Contrôle de gestion 2006/2007, Prix de cession interne, p374, 377

R.Eccles, Prix de cession interne, Harvard-L’Expansion, hiver 1884-1985 (à partir d’une enquête auprès de 150 cadres appartenant à 13 sociétés)

Rejean Brault et Pierre Giguerre, Comptabilité de managment 5ieme édition,  chap 14